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Juan Formell & Los Van Van

Date: juin 12, 2015 Publié par: Fito

En 1969, dix ans après la Révolution de Fidel Castro, a lieu à Cuba une autre révolution. Musicale celle-là. Le contrebassiste Juan Formell, né en 1942 et issu de l'Orquestra Revé, fonde Los Van Van : il dope l'orchestre à l'électricité, digère les influences d'une pop-music de qualité, et propulse ainsi la musique cubaine dans la modernité. disques de van van Sur la base d'une traditionnelle et raffinée charanga (qui intrège violin et flûte), Los Van Van marie l'éclat d'une section de cuivres de salsa à l'impact d'un groupe de rock (basse électrique, synthétiseurs), soutenus par un rythmique sans faille menée jusqu'au début des années 1990 par le percussionniste José Quintana "Changuito".

Le groupe le plus célèbre de l'île, véritable institution nationale, réussit ainsi le pari d'une musique à la fois populaire et complexe, et distille depuis trente ans une excitation d'une efficacité redoutable pour la danse. Aujourd'hui encore, un concert de Los Van Van à La Havane est un évènement, et rassemble sur la piste de danse plusieurs générations de Cubains. Ouverture de l'île oblige, le groupe, peu connu hors de Cuba pendant deux décennies, bénéficie depuis le début des années d'une meilleure diffusion, accompagnée d'une relative mais croissante notoriété dans le reste du monde.

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Dans l'esprit de chaque artiste cubain, l'affaire est entendue : de NG La Banda à Paulito F.G. en passant par la Charanga Habanera, Klimax ou Bamboleo, tous les groupes cubains modernes s'en réclament, et en mesurent l'héritage. A cette musique adulée des jeunes générations, moins tendue que la salsa new-yorkaise, Formell a trouvé un nom : la timba.

Quant au nouvel amour de l'Occident pour le vieux son et ses interprètes d'un autre âge, le chef de file de Los Van Van le balaye d'un revers de main. C'est que la musique, comme le reste, est un rouage de la guerre idéologique qui oppose les Etats-Unis et Cuba ; derrière cette vogue néo traditionaliste, Juan Formell voit la patte de l'Amérique : une manière d'insinuer qu'en matière musicale, depuis la révolution, Cuba n'aurait été capable de rien inventer. A chacun des concerts de Los Van Van, Juan Formell et les siens, campés derrière leurs instruments, défendent leur révolution et démontrent le contraire.

Source: Ecrit par Bernard Poupon en: "Danses latines : le désir des continents" Dodier-Apprill, Elisabeth. Paris : Auterment, 2001.365 p.